Podcast #61 – Surpêche et surcapacité de pêche
Pour ce 61e podcast, je réponds à Jean-Claude Perréard, de Sciez, qui m’interpelle sur la question des subventions attribuées à la pêche par le Conseil de l’Union Européenne, subventions dont bénéficient le plus la France, l’Italie et l’Espagne.
Le conseil « Agriculture et pêche » s’est tenu le mardi 18 juin, avec à l’ordre du jour :
– une orientation générale partielle sur le règlement du Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche (FEAMP), fonds doté de 6,4 milliards d’euros pour 2014-2020,
– une communication relative à la situation de la Politique Commune de la Pêche (PCP) et aux possibilités de pêche pour 2020,
– un rapport sur l’état des travaux relatifs à la réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) post-2020.
Actuellement, le règlement n° 508/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 du Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche, dans son article 5, définit les objectifs auxquels il contribue. L’un d’eux est de promouvoir une pêche et une aquaculture qui soient compétitives, durables sur les plans environnementaux et économiques, et socialement responsables.
Il est également précisé que la poursuite de ces objectifs ne peut entraîner d’augmentation de la capacité de pêche. C’est « le fil directeur » de ce Fonds Européen : aider les pêcheurs et aquaculteurs sans pour autant augmenter la capacité de pêche des navires.
L’objectif de développement et la promotion d’une pêche durable sur le plan environnemental, inscrit dans l’article 6, induit la garantie d’un équilibre entre la capacité de pêche et les possibilités de pêche existantes. Je précise que la capacité de pêche est la capacité d’une flottille à capturer des poissons.
Elle dépend de deux facteurs :
- le nombre de navires pour un type de pêche,
- et l’équipement à bord, qui augmente la productivité du navire et donc le nombre d’espèces pêchées.
L’Union Européenne encadre les capacités de chaque flottille des Etats membres, afin de garantir un équilibre entre la conservation des ressources halieutiques et les besoins économiques du secteur. A titre d’exemple, les aides à destination des jeunes pêcheurs pour l’acquisition d’un premier navire de pêche ne peuvent être attribuées que lorsque le navire appartient à un segment de pêche équilibré entre capacité de pêche et préservation des ressources.
Cette condition empêche un nouveau navire de pêcher dans un segment où la ressource est faible par rapport au nombre de navires. Cela limite la surcapacité de pêche et constitue une mesure de protection de la biodiversité et de la ressource.
Autre exemple, le règlement ne finance pas « les opérations qui augmentent la capacité de pêche d’un navire ou les équipements qui augmentent la capacité d’un navire à trouver du poisson. ». L’une des craintes de certains spécialistes est justement que ce type d’aides encourage la mise à l’eau de bateau plus performants, plus gros, et plus nombreux, pouvant aller jusqu’à 24 mètres contre 12 aujourd’hui.
Toutes ces dispositions sont reprises dans le projet de règlement du Fonds Européen pour la période 2021-2027 qui est actuellement en cours d’élaboration.
L’exigence d’une pêche durable et les objectifs de l’Union en matière environnementale et d’atténuation du changement climatique sont une autre des priorités mentionnées dans ce nouveau règlement.
Le Parlement européen a également voté l’allocation d’au moins 25{c81c22191c6e271863606c6d6ddf4fef783a19e301a41d64a8213c6ef8696076} du budget du fonds à la protection et à la restauration de l’environnement marin.
Elle permettra de financer des activités visant à réduire l’incidence de la pêche et de l’aquaculture sur les écosystèmes marins et sur les espèces sensibles, ainsi qu’à améliorer la sélectivité des engins de pêche (l’utilisation d’équipement plus sélectifs permettrait une pêche qui limite les captures de petits poissons ou d’espèces non désirées) ou la collecte des déchets marins.
Plusieurs ONG, comme WWF, s’élèvent contre le texte. Elles estiment que ce nouveau règlement va favoriser la surpêche notamment à cause des nouvelles aides introduites qui permettront de financer la modernisation des navires, ainsi que les aides à la construction de navire en région ultrapériphérique.
Les négociations sur le nouveau Règlement reprendront à l’autonome avec le trilogue entre les représentants de la Commission européenne, du Conseil des ministres et du Parlement européen.
Pour le moment, la France ne s’est pas encore positionnée sur le projet du nouveau règlement. Il est fort probable que la lutte contre la surpêche soit l’une des priorités du Gouvernement, le président ayant fait une priorité des questions de biodiversité lors de ses engagements de campagne.